vendredi 18 janvier 2008

Proust

J'utilise une méthode éprouvée : quand ça va mal, changez de sujet. Quand vous dérapez sur le pouvoir d'achat, lancez le débat sur la religion. Quand vous vous demandez à quoi sert Rachida, faites paraître des photos de Carla.

Je vais vous parler de Proust, et vous invite à visiter le site echolalie : vous saurez tout sur les manières de lire Proust :
-en SMS (lgtps, j m ss kouché de b0nn hr. parfoi, @ pein m bouji éteint, mes yeu ce ferméent si vite ke j' n avé pas l tps d mdir : « J m endors. ») ,
-en japonais (Longtemps, je me suis couché de bonne heule. Palfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se felmaient si vite que je n’avais pas le temps de me dile : « Je m’endols. »),
- ou a rebours (Je dire me de temps le pas n'avais je que vite si fermaient se yeux mes éteinte, bougie ma peine à parfois, heure. Bonne de couché suis me je longtemps.)
Etc!

On dit toujours que les phrases sont longues : ce n'est pas vraiment vrai: les phrases longues sont rares. Je le démontre :
Quelques statistiques sur "Du côté de chez Swann".
(A partir d'une des nombreuse versions du texte qui traînent sur Internet, traitement par Python puis Excel.)
Nombre de caractères : 824 974 (sans les espaces)
993 688 (avec les espaces)
Nombre de mots : 169 885 mots, soit 4, 86 caractères par mot.
Nombre de phrases : 4 244, soit 194,4 caractères par phrase
ou encore 40,0 mots par phrase.
Mais évidemment, la dispersion est forte. Il n'y a que 50 phrases (environ 1%) qui dépassent 1000 caractères.
C'est la fin d'un mythe!
Voici l'histogramme de la longueur des phrases :
Enfin, je vous remets en mémoire la plus longue phrase d' Un amour de Swann, elle est si belle! 2884 caractères, et une échelle enchantée!

Mais j'avais revu tantôt l'une, tantôt l'autre, des chambres que j'avais habitées dans ma vie, et je finissais par me les rappeler toutes dans les longues rêveries qui suivaient mon réveil; chambres d'hiver où quand on est couché, on se blottit la tête dans un nid qu'on se tresse avec les choses les plus disparates: un coin de l'oreiller, le haut des couvertures, un bout de châle, le bord du lit, et un numéro des Débats roses, qu'on finit par cimenter ensemble selon la technique des oiseaux en s'y appuyant indéfiniment ; où, par un temps glacial le plaisir qu'on goûte est de se sentir séparé du dehors (comme l'hirondelle de mer qui a son nid au fond d'un souterrain dans la chaleur de la terre), et où, le feu étant entretenu toute la nuit dans la cheminée, on dort dans un grand manteau d'air chaud et fumeux, traversé des lueurs des tisons qui se rallument, sorte d'impalpable alcôve, de chaude caverne creusée au sein de la chambre même, zone ardente et mobile en ses contours thermiques, aérée de souffles qui nous rafraîchissent la figure et viennent des angles, des parties voisines de la fenêtre ou éloignées du foyer, et qui se sont refroidies ; - chambres d'été où l'on aime être uni à la nuit tiède, où le clair de lune appuyé aux volets entrouverts, jette jusqu'au pied du lit son échelle enchantée, où on dort presque en plein air, comme la mésange balancée par la brise à la pointe d'un rayon; parfois la chambre Louis XVI, si gaie que même le premier soir je n'y avais pas été trop malheureux et où les colonnettes qui soutenaient légèrement le plafond s'écartaient avec tant de grâce pour montrer et réserver la place du lit ; parfois au contraire celle, petite et si élevée de plafond, creusée en forme de pyramide dans la hauteur de deux étages et partiellement revêtue d'acajou, où dès la première seconde j'avais été intoxiqué moralement par l'odeur inconnue du vétiver, convaincu de l'hostilité des rideaux violets et de l'insolente indifférence de la pendule qui jacassait tout haut comme si je n'eusse pas été là ; - où une étrange et impitoyable glace à pieds quadrangulaire, barrant obliquement un des angles de la pièce, se creusait à vif dans la douce plénitude de mon champ visuel accoutumé un emplacement qui n'était pas prévu ; - où ma pensée, s'efforçant pendant des heures de se disloquer, de s'étirer en hauteur pour prendre exactement la forme de la chambre et arriver à remplir jusqu'en haut son gigantesque entonnoir, avait souffert bien de dures nuits, tandis que j'étais étendu dans mon lit, les yeux levés, l'oreille anxieuse, la narine rétive, le coeur battant : jusqu'à ce que l'habitude eût changé la couleur des rideaux, fait taire la pendule, enseigné la pitié à la glace oblique et cruelle, dissimulé, sinon chassé complètement, l'odeur du vétiver et notablement diminué la hauteur apparente du plafond.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci, François. Vous m'avez redonné le goût de la lecture.

Anonyme a dit…

C'est mieux que Gérard de Villiers, hein?

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