mardi 22 avril 2008

Bains de bouche, pharmacies, Sécu et Roseline

M Michel-Edouard Leclerc a les dents longues, et il vient de faire un spot TV contre les pharmacies, très contre-productif : il a montré son appétit capitalistique avec tant de morgue que ça a ressoudé les pharmaciens et solidarisé le gouvernement.

Se tirer des balles dans le pied est en effet une des caractéristiques du patronat français.

Un peu d'histoire : les pharmacies françaises sont issues d'une longue culture latine. Une pharmacie est d'abord une officine, dirigée par un savant, notamment herboriste, mycologue, où l'on prépare longuement des potions dans des mortiers vénérables. Intermédiaire obligé entre un petit peuple ignare, et volontiers superstitieux, et le médecin pressé et obscur, le pharmacien est un notable, bobologue diplômé (parfois véto), toujours bon conseiller.

Participant de la chaîne de santé, il distribue les médicaments, vérifie in fine les ordonnances, détecte les incompatibilités. Il est irremplaçable, il est compétent, il est indispensable. Il est donc normal que la pharmacie soit dirigéE par un pharmacien, avec des préparateurs, et que leur implantation soit contrôlée, pour qu'il y en ait assez, partout, et évidemment, pas trop.

Ça, c'était avant. Mais c'est l'image qu'on veut nous vendre.

Mais le contexte a changé. Les pharmacies ont été attaquées par des gens qui recherchaient des drogues, et elles se sont bunkérisées. Elles ont été concurrencées, déjà, quand les grandes surfaces ont pu vendre le lait en poudre pour les bébés, les couche-culottes et autres poules aux oeufs d'or.

Elles se sont adaptées. Les vitrines ne sont que des panneaux publicitaires pour des produits de beauté, crème solaire, avec femmes-à poil de rigueur, le tout fourni par les labos. Vivent les pharmacies qui montrent encore leurs vieux pots d'onguents, et le tableau des champignons!

De plus en plus, c'est le modèle anglo-saxon qui prévaut : un super-marché, avec caddies et caisses, et, juste au fond, un comptoir où l'on distribue les vrais médicaments sur ordonnance. Modèle Jean Coutu au Canada. Impressionnant.

Le malheur -pour les pharmacies- veut qu'en France, il y a la Sécu. Les médicaments, du moins certains d'entre eux, sont remboursés. On a inventé le tiers-payant, on promeut les génériques : les pharmaciens sont devenus, vollens nollens, des bureaucrates au service de la Sécu. Ils remplissent des papiers, avancent l'argent (l'argent!), contrôlent (pour ne pas se faire taxer en retour). Les pharmaciens ont râlé.

Alors le gouvernement (je pense que c'est Raffarin 1er, à vérifier) a passé le deal suivant : on va serrer les prix de ce tout qui est remboursable, vous vendrez les génériques, vous ferez les papiers, mais vous vous paierez sur tout le reste : prix libres sur ce qui n'est pas remboursé, sur la para : shampooing, bains de bouche, pilules pour chiens, etc!

Ils ne se le sont pas fait dire 2 fois. Moi, je suis (verbe : suivre) un "bain de bouche", dont je ne dirai pas le nom. Vente exclusive en pharmacie, prix allant du simple au double d'une pharmacie à l'autre, aucune information sur le prix avant de passer à la caisse. On n'a pas l'habitude de dire "c'est trop cher, j'irai ailleurs" dans une pharmacie : il faut la prendre.

De temps en temps, je questionne : "mais pourquoi c'est 2 fois moins cher ailleurs?". La fille, pincée, me dit : "on a le même taux de marge sur tous les produits, ça vient du distributeur". C'est vrai : le prix dépend du distributeur qui fait des rabais, assez importants, selon la quantité. Donc, sur un produit donné, les prix varient : il suffit d'aller dans la pharmacie qui vend le plus de ce produit là. NB : les distributeurs de la pharmacie : voila un autre frein à la croissance de 1ère classe : ils ont des obligations (livraisons, stock de réserve), donc eux aussi ont des rentes de situation scandaleuses.)

A Paris, c'est facile et ça se fait, car ça se sait : l'aspirine, rue Machin à droite, le Synthol rue Truc à gauche. L'économie réalisée rembourse largement le prix du billet de métro pour y aller. En province, surtout un peu reculée (une pharmacie pour 3 000 habitants), vous ne pouvez que payer, ou vous contenter du dentifrice d'Intermarteau.

A Paris, certains -peu encore- ont compris le filon : ils ont remplacé leurs vitrines de femmes-à poil par des panneaux de prix, sur le modèle des revendeurs d'informatiques : du haut en bas, il y a a des colonnes de chiffres, les promos du jour, etc. On repère ce qu'on achète d'habitude, et on saute sur la bonne occase. Leur business-modèle est différent : ils se spécialisent dans certains produits, font une grosse commande avec peut-être des dates de péremption un peu courtes, obtiennent des prix, et la dispersent en quelques jours. Ensuite, ils changent de produits... Je suppose que ça paie le reste.

Et voila Attali qui vient avec ses gros sabots dire que pour libérer la croissance, baisser les prix par une meilleure distribution, il faut passer au système anglosaxon, genre Jean Coutu ! Et Leclerc qui s'en mêle, et vient apporter de l'eau au moulin des pharmaciens! Heureusement le lobby fonctionne, et surtout, Roseline Bachelot est pharmacienne! C'est vous dire si elle comprend le problème.

Dans Le Monde, un ancien de la commission Attali expliquait que la production du Ministère de la Santé (directives, courriers avec Bruxelles, etc) était assurée par les syndicats des professions médicales et para-médicales. Autant dire que l'Etat a déjà abdiqué dans ce domaine!

Je ne me fais pas d'illusions, rien ne changera. On gardera notre système ambigu, coûteux, cogéré par les syndicats (de pharmaciens) et le ministère de la Santé. Le consommateur de bain de bouche paiera pour la mauvaise gestion de la Sécu. Les petites pharmacies continueront à vivoter, les grandes à se les faire en or, les distributeurs de pharmacie à se payer sur notre dos, les industriels des médicaments, n'en parlons pas!

Et la Sécu sera toujours en déficit! Vive la rupture annoncée...

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Moi, j'ai connu il y a bien longtemps une pharmacie comme celle que vous décrivez. C'était en Alsace, je crois; les gens étaient en blouse blanche, le comptoir était en bois et cela sentait bon les préparations médicinales (pas le kif..). La fille du potard était bien mignonne comme elles le sont souvent ... Ah, nostalgie ...

Anonyme a dit…

ca c'est du vécu, adrien...et la fille du potard avait une soeur, non? aussi jolie, non? Cachotier, l'Adrien!

Anonyme a dit…

j'crois même qu'il y avait une belle soeur bien jolie aussi ...

François a dit…

Bon, je vois que vous n'achetez pas de bains de bouche, et que vous n'allez dans les pharmacies que pour y lorgner les filles du potard...
Tant pis pour vous, vous paierez, et ce n'est qu'un début.
Sans évolution, il y aura la révolution. Merci Sarko, protecteur des corporations, pour sa politique néo-pétainiste.

Anonyme a dit…

Mais, bon tout fout le camp. : même les filles des pharmacies ne sont plus aussi jolies qu'autrefois. il n'ya plus que le modele vieille fille ronchon . Les potards sont devenus des businessmen et font de la plus value avant de se tirer au bout de 3 ou 4 ans.
L'avantage du tiers payant c'est l'absence d'impayé.
D'ou l'avantage d'être fonctionnaire de la sécu.
Au fait: le prexidil est un bain de bouche remboursé ss. le réclamer à votre dentiste !

François a dit…

Au doc gyneco : les pharmaciens businessmen feraient mieux de faire HEC que pharma : ils ne s'engageraient pas dans ce modèle surrané et sans avenir. Ils pourraient en développer un nouveau, sans se faire piquer la VA par Leclerc.
Ils font fortune en 3 ans? c'est ce que vous dites? Et nous payons? Et la Sécu paie? Stop...
Enfin, j'essaie d'éviter de déranger un dentiste pour avoir un bain de bouche remboursé, alors que je peux quand même en trouver sans ordonnance. Mais si tout le monde fait comme vous dites, la Sécu est mal barrée, effectivement!

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