mercredi 4 octobre 2017

L'indépendance de la Bretagne

En 20..., le MBR, Mouvement des Bonnets Rouges a remporté, contre toute attente, les élections régionales. M Fañch Monreau, le nouveau président du Conseil Régional, avait réussi à rassembler sur sa liste les communistes désabusés, les indépendantistes historiques, les déçus du marinisme, et surtout un bon nombre d'agriculteurs que la disparition progressive des aides de l'Europe avait rendu exsangues.

En effet, la production intensive de viande de mauvaise qualité, les choux-fleur aux pesticides, les poulets en batterie ne se vendaient plus comme avant. La mode était au bio, au local, pas du tout le genre du pays. La grogne montait, et continuer à déverser des tonnes de fumier devant les préfectures, à empaler des porcelets sur les grilles des sous-préfectures, ne suffisait plus à faire bouger "l'Etat", chargé de tous les maux, comme au temps où ils avaient réussi à lui faire perdre des milliards avec l'abandon des portiques.

Au bout d'un an, Fañch Monreau décida d'en finir : il organisa un référendum sur l'indépendance de la Bretagne, auquel participèrent 44.6% des inscrits sur les listes électorales, qui donna 92% de "oui", malgré les menaces du pouvoir central qui en dénonça le caractère non constitutionnel, et qui essaya vainement de l'interdire, en jetant comme d'habitude ses CRS et ses Mobiles pour tabasser des petits vieux qui faisaient gentiment la queue pour voter.

Bien sûr, les photos étaient truandées (la petite vieille était tombée toute seule dans son escalier, s'était coupée le cuir chevelu, et ça saignait : très jolie image virale pour Facebook!) Mais on est à l'ère des FakeNews, et la vérité ne compte pas, seule l'impression émotionnelle compte. La solidarité autour des Bonnets Rouges s'organisa, mais le dialogue s'était rompu, et la crise ne pourrait se dénouer que par la force.

Le Président de la République fit un discours martial et cinglant, ordonnant aux mutins de rentrer dans le rang immédiatement. La réponse fut à la hauteur : la Bretagne fit aussitôt sa déclaration d'indépendance, sous la protection de Sainte-Anne, Saint-Yves et Saint-Corentin. Sa DGS fut transformée en Ministère de l'Intérieur, sa direction comptable en Ministère des Finances, le préfet fut prié de présenter ses lettres de créance comme ambassadeur de France en Bretagne. En pratique, il prit un des derniers TGV, car ses renseignements lui parlaient d'une décapitation possible en haut de la place des Lices.

L'état de siège fut proclamé, tous les mouvements de fonds furent bloqués. Le "Parlement" de Bretagne fit une loi de nationalisation de tous les actifs  de l'ex-Etat, se déclarant prêt à louer à la France pour 99 ans ses bases de sous-marins, et certaines casernes comme celles du camp de Meucon ou la base de Lann-Bihoué, à un prix correspondant aux anciens montants de la PAC. Pour la gestion du rail d'Ouessant, le péage devait être versé à la Bretagne, et ainsi pour toutes les structures opérant sur le sol breton.

D'immenses manifs de soutien se déroulaient tous les jours, et le nouveau gouvernement breton s'engagea dans une fuite en avant irrédentiste : il brûla, pour ainsi dire, ses vaisseaux.

Alors que l'Armée et ses chars se préparaient à rétablir l'ordre, un nouveau front s'ouvrait : la Loire Atlantique demandait à son tour son rattachement à la République de Bretagne, en n'y mettant que deux conditions facilement acceptées : la construction de Notre-Dame des Landes comme aéroport international de Bretagne, et l'interdiction de l'avortement.

L'Europe essaya bien une médiation, mais fut renvoyée à ses directives sur la taille des boites de camembert ou de sardines à l'huile. En représailles, la Bretagne précisa ne pas vouloir adhérer à l'Union Européenne, ni y être associée comme l'Angleterre post-Brexit, ou comme le Liechtenstein. Mais elle demanda sa place à l'ONU, et désigna comme ambassadeur un expat originaire de Lesneven, qui fabriquait des croissants à New-York.

Au moment où je vous écris, la bataille continue dans les taillis de genêts, l'armée tente de réduire les campagnes avant d'encercler les villes. Les citadins doivent se contenter de poulet au chou-fleur, tous les jours, sauf le vendredi, où ils peuvent profiter des quelques maquereaux qui y parviennent.

Je vous tiendrai au courant, bien sûr.













2 commentaires:

Anonyme a dit…

l'indépendance des régions : avatar de la mondialisation et coup final pour la dislocation des nations

François a dit…

Oh, ce n'est pas que ça. C'est surtout de l’égoïsme décomplexé, revendiqué.

Les riches ne veulent plus payer pour les pauvres.
Les bien-portants pour les malades.
Les retraités pour les jeunes.
le 92 pour le 9-3, Versailles pour Trappes.
Les anglais pour l'Europe, l'Europe pour les pays de l'Est.
Les écossais pour l'Angleterre.
Les américains pour ceux qui n'ont pas voté Trump, ou pour les chinois.
Les catalans pour l'Espagne, les flamands pour les wallons, les milanais pour le Mezzogiorno.
Les français pour les corses ou les bretons, ou pour les outre-mer.

Mais tout ceci finira mal.

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