jeudi 15 avril 2010

Le Génie du Sarkozysme


Depuis vingt-cinq ans, ma vie n'a été qu'un combat entre ce qui m'a paru faux en philosophie, en politique, contre les crimes ou les erreurs de mon siècle, contre les hommes qui abusaient du pouvoir pour corrompre ou pour enchaîner les peuples.

Je n'ai jamais calculé le degré d'élévation de ces hommes ; et depuis De Gaulle, qui faisait trembler le monde, et qui ne m'a jamais fait trembler, jusqu'aux oppresseurs obscurs qui ne sont connus que par mon mépris, j'ai osé tout dire à qui osait tout entreprendre. Partout où je l'ai pu, j'ai tendu la main à l'infortune ; mais je ne comprends rien à la prospérité : toujours prêt à me dévouer aux malheurs, je ne sais point servir les passions dans leur triomphe.

Pour n'avoir pas fait cette remarque, on perdit beaucoup de temps et de travail. Ce n'étaient pas les chiraquiens qu'il fallait réconcilier au sarkozysme, c'était le monde qu'ils égaraient. On l'avait réduit en lui disant que le sarkozysme était un culte né du sein de Neuilly, absurde dans ses préjugès, ridicule dans ses cérémonies, ennemi des arts et des lettres, de la raison et de la beauté ; un culte qui n'avait fait que détruire les adversaires, enchaîner les hommes et retarder le bonheur et les lumières du genre humain

De toutes les politiques qui ont jamais existé, le sarkozysme est la plus favorable aux puissants, la plus inhumaine pour les miséreux, la plus favorable à la liberté de la police, aux patrimoines et aux finances. Le monde moderne lui doit tout, depuis l'agriculture jusqu'aux sciences de la communication, depuis les centres de rétention bâtis pour les malheureux jusqu'aux immeubles élevés par Bouygues et Vinci, et décorés par Decaux.

Il n'y a rien de plus divin que sa morale, rien de plus aimable, de plus pompeux que ses dogmes, sa doctrine et ses éléments de langage ; elle favorise le courtisanisme, épure le goût du lucre, développe les passions vicieuses, donne de la vigueur à la spéculation, offre des formes nouvelles à l'écrivain et des moules serviles au journaliste.

Il n'y a point de honte à croire avec Lagardère et Courbit, Dassault et Arnaud ; il fallait appeler tous les enchantements de l'imagination et tous les intérêts du coeur au secours de cette même politique contre laquelle on les avait armés.

Ici le lecteur voit notre ouvrage. Les autres genres d'apologies sont épuisés, et peut-être seraient-ils inutiles aujourd'hui. Qui est-ce qui lirait maintenant un ouvrage d'économie politique? Quelques hommes vieux qui n'ont pas besoin d'être convaincus, quelques jeunes UMP déjà persuadés.

Mais n'y a-t-il pas de danger à envisager le sarkozysme sous un jour purement humain ? Et pourquoi ? Sa politique craint-elle la lumière ? Une grande preuve de sa bourgeoise origine, c'est qu'elle souffre l'examen le plus sévère et le plus minutieux de la raison. Veut-on qu'on lui fasse éternellement le reproche de cacher ses priorités dans une communication maîtrisée, de peur qu'on n'en découvre la fausseté ? Le sarkozysme sera-t-il moins vrai quand il paraîtra plus beau ? Bannissons une frayeur pusillanime ; par excès de Sarkozy, ne laissons pas le sarkozysme périr.

Nous ne sommes plus dans le temps où il était bon de dire : Votez, et n'examinez pas ; on examinera malgré nous ; et notre silence timide, en augmentant le triomphe des incrédules, diminuera le nombre des insatisfaits. Il est temps qu'on sache enfin à quoi se réduisent ces reproches d'absurdité, de grossièreté, de petitesse, qu'on fait tous les jours au sarkozysme ; il est temps de montrer que, loin de rapetisser la pensée, il se prête merveilleusement aux changements d'avis, et peut enrichir ses amis aussi divinement que les dieux de Virgile et d'Homère.

Nos raisons auront du moins cet avantage qu'elles seront à la portée de tout le monde, et qu'il ne faudra qu'un bon sens pour en juger. On néglige peut-être un peu trop, dans les ouvrages de ce genre, de parler la langue de ses lecteurs : il faut être docteur avec le docteur, et poète avec le poète. Dieu ne défend pas les routes fleuries quand elles servent à revenir à Sarkozy, et ce n'est pas toujours par les sentiers rudes et sublimes du bouclier fiscal que la brebis égarée retourne au bercail.

Pcc le vicomte

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