Vous avez toujours voulu y comprendre quelque chose, vous n'avez jamais osé demandé, le Lagarde et Michard vous est tombé des mains, réjouissez-vous : vous n'êtes pas seul.
Si vous avez voulu aller plus loin, avec Sainte-Beuve, Montherlant ou Françoise Hildesheimer, vous serez plus érudit, mais on ne peut pas dire que vous aurez compris.
Après m'avoir lu, vous aurez peut-être envie d'en savoir plus, avec la clé de lecture que j'ai découverte auprès du conservateur du musée de Port-Royal des Champs, M Philippe Luez. Toutes les erreurs qui se sont glissées ci-dessous sont de mon fait et ne sauraient lui être imputées. Lisez plutôt son livre : Port Royal et le jansénisme.
Voila : il y a d'abord l'histoire de cette abbaye, construite au XIIIème siècle dans un vallon fleuri, un trou de verdure où chante une rivière, un petit val qui mousse de rayons, selon la règle cistercienne. Le site est marécageux, et plutôt insalubre. Son nom vient de borroy ou porrois, lieu où poussent des plantes de marais, ou des poireaux, qui a été traduit en latin portus regius, et finalement a donné Port-Royal.
Elle était plutôt riche, mais se trouvait à la fin du XVIème siècle affaiblie, par les guerres de religion et par un laisser-aller général.
Entre en scène alors un avocat au Parlement de Paris, Antoine Arnauld qui place sa fille de 8 ans au couvent, et elle n'y consent qu'à la condition d'être abbesse : qu'à cela ne tienne, elle est nommée coadjutrice de Port Royal. La mère supérieure meurt trop tôt : Soeur Angélique (née Jaqueline Arnauld) n'a que 11 ans. Qu'à cela ne tienne : on falsifie un certificat de baptême qu'on envoie à Rome, et elle est abbesse à 11 ans. Antoine Arnauld donne beaucoup d'argent, qui va servir à agrandir l'abbaye.
En 1608, à 17 ans, elle se convertit brusquement, et décide de réformer l'abbaye. Elle revient à la règle la plus stricte, et rétablit la clôture, ce qui donne lieu à la mythique "journée du guichet" : elle n'ouvre pas la porte à sa famille venue en visite. Il y eut beaucoup de bruit et de vacarme, mais la réforme était marquée symboliquement.
Plus exactement, une contre-réforme, celle initiée par le concile de Trente, allant jusqu'au bout d'une logique extrême, illustrée par l'exemple de Thérèse d'Avila et par la parution de l'Introduction à la vie dévote de François de Sales. L'abbaye recrute, ouvre une "école" dans les Granges où Racine a étudié, et où les nouveaux convertis viennent faire retraite : les plus connus sont Pascal et Racine, et on en a la liste :
On les appelle "les Solitaires" mais le terme de "Pénitents" est plus approprié : ils venaient faire retraite.
M l'abbé de Saint-Cyran, la coqueluche parisienne du "parti dévot", devient le confesseur des moniales, et exerce une grande influence sur Port-Royal.
Ce n'est pas tout : la duchesse de Longueville se fait construire une petite maison à côté, et fréquente les soeurs : une frondeuse! Une cousine du roi!
On en arrive à l'autre clé de lecture : la politique, qui est le fin mot de l'histoire. La France de Henri IV était le seul royaume qui comportait deux religions, le catholicisme et le protestantisme. Et Richelieu n'hésitait pas à s'allier avec les petits princes allemands protestants pour mieux lutter contre son ennemi Habsbourg, prince très catholique. S'il les combattait, à La Rochelle, ou ailleurs, ce n'était pas à cause de la religion, mais pour l'autorité du roi.
Richelieu n'aime pas cette coterie qui sous prétexte de "dévotion", ose critiquer sa politique, et en 1638 enferme Saint-Cyran au fort de Vincennes.
Alors quel est le lien avec le jansénisme? Tout simplement que Saint-Cyran a fait ses études au séminaire de Louvain avec Jansénius! Cornelius Jansen, professeur de théologie, s'opposait aux jésuites de Louvain qui lui faisaient concurrence. Il avait écrit un poulet contre Richelieu Mars gallicus en 1635, ce qui lui avait valu l’évêché d'Ypres.
Tous les ingrédients sont donc réunis pour une belle crise. Richelieu, puis Louis XIV à sa majorité, veulent réduire ce foyer de persiflage permanent, et se font aider par les jésuites qui les attaquent, non pas sur leurs vies, qui sont touchantes de piété, mais sur la théologie : en demandant aux jansénistes de condamner des extraits de l'Augustinus de Jansenius sur la grâce, ce qu'ils refusent de faire, arguant que ces " propositions", si peut-être elles sont dans le texte, ne sont pas forcément hérétiques, au nom de la liberté de conscience. On se tire dessus à coups de pamphlets, le plus brillant étant les Provinciales de Pascal, ou dans un autre genre, le Tartuffe de Molière, à coups de fake news, de complotisme...
On a donc une belle bataille politique, et qui, sur certains aspects, a des aspects modernes. Mais en suivre les épisodes et notamment les querelles théologiques, est prendre le risque de s'y perdre. Et la fin est bien triste : par la force brute. Le pape Clément XI publie sa bulle Unigenitus qui condamne définitivement le jansénisme, et Louis XIV, devenu bigot, fait raser l'abbaye.
Ce vide, dans ce vallon, est un lieu de pèlerinage, pour la liberté de conscience et contre l'absolutisme.
De la curiosité ... Avant toute chose.... Sur des sujets divers... Sans oublier des coups de gueule, Et des provocations! De l'humour, toujours. Du premier degré, jamais!
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