- La conscience de l'individu n'est-elle que le reflet de la société à laquelle il appartient?
Car ma conscience s'éveille face aux énormités que je reçois de la société à laquelle j'appartiens. Je résiste, sans pour autant être sûr de ne pas être contaminé. Le marketing que je subis, le matraquage pro-FN de BFM-TV, les mails qui débordent de ma boite mail comme autant d'appels à la guerre sainte contre les musulmans, tout cela me révolte, mais qui peut dire qu'il en sort indemne?
Je suis né dans une bonne famille, j'ai reçu une bonne éducation, j'ai fait des études, j'ai beaucoup travaillé, je lis, et pourtant je suis vu comme "un bobo soixante-huitard responsable de la merde dans laquelle est la France". Voir ici.
Donc la société s'attend à ce que je sois conforme à son reflet : antisémite avec les antisémites (en fait, on dit antisioniste pour ne pas tomber sous le coup de la Loi), croisé pour les croisades, riche avec ceux de l'UMP, tradi avec les cathos, de droite "naturellement", pour la banque contre Kerviel, fana mili pour la gloire de nos armes, respectueux de la Police Parisienne "parce qu'on est parfois bien content de les avoir", adepte des apéros "saucisson-vin rouge", bref tout ce qui constitue la bien-pensance actuelle de la société à laquelle j'appartiens.
Il est difficile de lutter, car on s'exclut de cette même société. On peut se taire, mais ce n'est pas une solution : on vit dans une permanente frustration. Mais si l'on exprime simplement son opinion, on passe pour un dégénéré, un traître à sa classe, et on est voué à se faire un jour "botter le cul par son Créateur".
L'Homme libre est toujours seul au milieu de la société. Le poète l'a dit :
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.
Mais quand on constate, effaré, le succès qu'obtient le populisme le plus crapoteux, on est en droit de se demander si la conscience des individus n'est pas généralement contaminée par la société. Je ne les aime pas, parce que les autres ne l'aiment pas, voila la formule qui définit le bouc émissaire, dont semble-t-il, nous avons besoin pour vivre. Et bien non.
Je ne sais pas si c'est la réponse à la question, mais débrouillez-vous avec ça.
- L'artiste donne-t-il quelque chose à comprendre?
Voila plus difficile! L'artiste pose son oeuvre, et il vous appartient de vous l'approprier, si vous pouvez. Il l'a construite dans son particulier, dans son intimité, avec ses moyens, vous ne savez pas forcément où, quand et surtout pourquoi. Vous ne connaissez pas forcément son environnement culturel ni la destination qu'il voulait lui donner.
A vous de l'interpréter, là, maintenant, dans votre propre espace culturel. C'est bien difficile, sauf à être spécialiste de comprendre les arts premiers, l'art hindou, chinois, japonais. C'est beau, mais on a aucune certitude quant à la compréhension de l'oeuvre.
D'un autre point de vue, il faut reconnaître à l'artiste, le vrai, la capacité à décoder des signaux faibles provenant de la société, et à exprimer une vérité qui commence à émerger sans être discernable.
Par exemple, le célèbre tableau de Bruegel "la chute d'Icare" nous montre la Renaissance. Icare qui voulait monter au ciel tombe dans l'eau, tandis que les hommes partent en caravelle au couchant découvrir des mondes nouveaux.
Je doute que les contemporains aient perçu ce message, de même nous ne sommes peut-être pas capables de décoder l'art contemporain, et peut-être n'y a-t-il rien à comprendre. Le marché est encombré d’œuvres purement spéculatives lancées comme des marques de yaourt avec la complicité d’institutions qui se disent nationales.
- Commenter ce texte de Spinoza :
« Dans
un Etat démocratique, des ordres absurdes ne sont guère à craindre, car il est
presque impossible que la majorité d’une grande assemblée se mette d’accord sur
une seule et même absurdité. Cela est peu à craindre, également, à raison du
fondement et de la fin de la démocratie, qui n’est autre que de soustraire les
hommes à la domination absurde de l’appétit et à les maintenir, autant qu’il
est possible, dans les limites de la raison, pour qu’ils vivent dans la
concorde et dans la paix. Oté ce fondement, tout l’édifice s’écroule aisément. Au
seul souverain, donc, il appartient d’y pourvoir ; aux sujets, il
appartient d’exécuter ses commandements et de ne reconnaître comme droit que ce
que le souverain déclare être le droit. Peut-être pensera-t-on que, par ce
principe, nous faisons des sujets des esclaves ; on pense en effet que
l’esclave est celui qui agit par commandement et l’homme libre celui qui agit
selon son caprice. Cela cependant n’est pas absolument vrai ; car en
réalité, celui qui est captif de son plaisir, incapable de voir et de faire ce
qui lui est utile, est le plus grand des esclaves, et seul est libre celui qui
vit, de toute son âme, sous la seule conduite de la raison. »
Baruch
Spinoza, Traité théologico-politique (1670).
Le pinailleur Spinoza s'est bien mis le doigt dans l'oeil avec ses considérations sur la démocratie, dont il n'avait d'exemples que dans l'antiquité grecque et romaine. Mais depuis 240 ans qu'elle existe -en théorie-, aux Amériques, et à peine depuis 150 ans en Europe, on voit bien que les fondements de sa théorie ne résistent pas aux faits.
Dans un Etat démocratique, des ordres absurdes sont à craindre, et on en a de multiples exemples. D'abord parce que les ordres sont donnés par l'exécutif, d'autre part parce qu'il fait bien ce qu'il veut avec une majorité de godillots tenus par des relations d'intérêts.
Le fondement et la fin de la démocratie ne sont plus, comme on pouvait encore l'espérer au XVIIème siècle, de soustraire les hommes à la domination absurde de l'appétit,ils sont au contraire au service de ces appétits, qu'on l'appelle libéralisation ou loi du marché, Ce qui est bon pour le business est bon pour l'Amérique, et les multinationales, qui ont des chiffres d'affaires supérieurs aux PIB de nombreux états, sont les réels détenteurs du pouvoir. Dès qu'une régulation se met en place dans un Etat, ils déplacent leur activité dans un Etat moins regardant, un exemple en étant les paradis fiscaux.
Oui, seul est libre celui qui vit de toute son âme, sous la seule conduite de la raison. On peut toujours rêver, je ne connais pas de cas d'homme libre dans le sens que lui donne Spinoza.
Le fait du Prince, surtout s'il est hongrois, la raison d'Etat, les intérêts du capital, seront toujours supérieurs aux moyens de la démocratie qui est de fait instrumentalisée. Et toc!
Bon, 9 sujets de philo en 3 jours, je suis épuisé.....
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