mercredi 17 juin 2015

Mon corrigé du bac philo L 2015

Comme chaque année, je vous soumets mes réponses au bac philo, mais bien sûr elles n'engagent pas les correcteurs assermentés.

Bac L :

  • Respecter tout être vivant, est-ce un devoir moral? 
La bonne réponse est "oui, quoique...", mais ce devoir moral, disons-le tout net, est largement atténué par les exigences économiques qui demeurent supérieures, en tout lieu et de tout temps. Comme l'a annoncé mon maître à penser, le dernier ancien Président de la République : "l’écologie, ça commence à bien faire". Mais déjà Tartuffe nous avait prévenu : "Le Ciel défend, de vrai, certains contentements ; Mais on trouve avec lui des accommodements."

Répondre "non" ne serait pas politiquement correct, et donc condamné à ce titre. Il ne faut pas se référer à la Genèse, dans laquelle Dieu donne pouvoir à l'homme de soumettre toute la création, au nom de la laïcité d'abord, et puis ce ne ferait pas très mode. Et ne surtout pas parler de l'hymne à la création de St François d'Assise.

Donc il faut dire "oui", mais sans oublier que nous sacrifions sans problème plantes et animaux pour nous nourrir, pour nous défendre d'eux (moustiques, virus), mais aussi pour notre plaisir : fourrures, ivoire et bien d'autres, dont la chasse. Donc si c'est un devoir moral, il trouve rapidement ses limites. A défaut de morale, on fait des normes : pas plus de 9 poules au m² dans les élevages, les vaches sont assommées avant d'être égorgées (en général...), et notre conscience est apaisée. N'est-ce pas le rôle de la morale que de se donner bonne conscience? Oui? Non?

Brodez là-dessus.

  • Suis-je ce que mon passé a fait de moi?
Hou la la! J'aurais pris un autre sujet, car c'est bien difficile, existentialiste même. Mais la réponse est non.

Je ne suis pas que le produit de mon passé, je suis aussi l'héritier involontaire des chromosomes de mes parents, de la société qui m'entoure, de mon environnement. Mon passé, qu'il ait été vécu ou recréé ensuite, qu'il soit prégnant ou oublié, fait partie de mon histoire, il n'est pas "moi". Longtemps, je me suis mouché de bonheur, et pourtant mon être actuel ne se réduit pas à ce souvenir.

Tout jour nouveau est le début d'une nouvelle vie, et je vais obstinément le long de ma ligne d'univers, dans le cône du futur, laissant le passé s’éloigner de moi, quitte à le retrouver parfois dans une tasse de thé. 

On peut être fils d'immigré et vouloir supprimer le droit du sol. On peut traîner des casseroles, être mis en examen pour trafic d'influence, et tenter néanmoins de se faire élire à la magistrature suprême. On peut acheter ses électeurs et vendre avec succès des avions militaires. 

Mon passé me donne de l'expérience (et de l'ancienneté), mais mon avenir est complètement ouvert, pour le meilleur comme pour le pire.

Bon....
  • Commentez le texte de Tocqueville 

« Les croyances dogmatiques sont plus ou moins nombreuses, suivant les temps. Elles naissent de différentes manières et peuvent changer de forme et d’objet ; mais on ne saurait faire qu’il n’y ait pas de croyances dogmatiques, c’est-à-dire d’opinions que les hommes reçoivent de confiance et sans les discuter. Si chacun entreprenait lui-même de former toutes ses opinions et de poursuivre isolément la vérité dans des chemins frayés par lui seul, il n’est pas probable qu’un grand nombre d’hommes dût jamais se réunir dans aucune croyance commune.
Or, il est facile de voir qu’il n’y a pas de société qui puisse prospérer sans croyances semblables, ou plutôt il n’y en a point qui subsistent ainsi ; car, sans idées communes, il n’y a pas d’action commune, et, sans action commune, il existe encore des hommes, mais non un corps social. Pour qu’il y ait société, et, à plus forte raison, pour que cette société prospère, il faut donc que tous les esprits des citoyens soient toujours rassemblés et tenus ensemble par quelques idées principales ; et cela ne saurait être, à moins que chacun d’eux ne vienne quelquefois puiser ses opinions à une même source et ne consente à recevoir un certain nombre de croyances toutes faites.
Si je considère maintenant l’homme à part, je trouve que les croyances dogmatiques ne lui sont pas moins indispensables pour vivre seul que pour agir en commun avec ses semblables. »
Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique (1840).

Ah, le beau texte de Tocqueville! Quelle actualité que les "croyances dogmatiques"! Nos JT en sont pleins, et du reste il n'y a que cela qui les intéressent, parce qu'ils pensent nous intéresser. Des opinions que les hommes reçoivent de confiance et sans les discuter : c'est sûr Arthur!

 "Un papa, une Maman", voila bien une croyance dogmatique. C'est vrai que c'est mieux, que ça peut rassembler. Le fait que la vie est en réalité plus complexe semble vous avoir échappé.

"Travail, famille, patrie" : qui serait contre? Pour faire un corps social? Halte-là, jeune homme (vous êtes né en 1805, et vous écrivez en 1840)! Je ne vous suivrais pas sur ce chemin, car on a su, au XXème siècle (vous avez une excuse), comment par la propagande, on a pu abuser du corps social, comme vous dites, en lui imposant des croyances dogmatiques, comme le sens de l'Histoire, ou la valeur de la race, qui ont conduit aux pires abominations des totalitarismes.

Il faut donc pour la société, une société prospère (sic!), que tous les esprits des citoyens soient toujours rassemblés et tenus ensemble par quelques idées principales! Mais où avez-vous trouvé ça? Je sais que vous avez eu des successeurs, de "l'extinction du paupérisme", à "travailler plus pour gagner plus", des totalitarismes dont je parlais au populisme bien pensant ("ils travaillent pas, ils mangent pas" ; "s'il y avait moins d’immigrés, il y aurait moins de chômeurs", etc). Vous n'avez pas vu Sarkozy en actions, ni Guaino à la plume, ni Zemmour à la TV. Je suis sûr qu'ils vous auraient fait changer d'avis. Vous seriez "clivé", comme ils disent.

Donc, mon cher Tocqueville, vous m'avez bien eu : je vous lisais avec plaisir vers mes 20 ans, mais j'avoue que là, votre myopie politique m'avait échappé. 

Et si je considère maintenant, comme vous, l'homme à part, je ne trouve pas, comme vous, que les croyances dogmatiques ne lui sont pas moins indispensables pour vivre seul. Voyez-vous, depuis votre temps, les gens ont reçu une certaine éducation, bien imparfaite je vous le concède, mais enfin, on n'est plus obligé de croire sur parole ce que dit le curé en chaire ou le politique à la TV. On peut rechercher de l'information, la croiser, revenir aux faits au delà du commentaire, et se faire une opinion, peut-être critiquable, mais cherchée et non pas reçue.
La liberté, simplement la liberté de pensée, loin  des croyances dogmatiques, est une richesse que vous ne soupçonniez pas.

Vous êtes un idéaliste, cher Alexis. Vous vous imaginez une société parfaite, où le bien commun rejoindrait par miracle la recherche du bonheur individuel, où les croyances dogmatiques seraient par nature un idéal commun et la vérité toute nue. 

L'Histoire vous a donné tort. Dommage, car pour l'Amérique vous avez été plus perspicace. Sans rancune?

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