vendredi 7 décembre 2018

La f(r)acture française, par Gilles et John

Je reçois le message suivant :

Cher François,

La révolte populaire, dite des gilets jaunes, était prévisible, justifiée, et pour ainsi dire, inéluctable. Je vous explique :

En 2008, à la suite de tripatouillages financiers de nos amis américains, appelés "subprimes", il y a eu une grave crise financière qui grâce au procédé maintenant connu de la "titrisation", a gangrené nos banques européennes. On peut y ajouter la crise grecque, qui grâce à Goldman Sachs, a pu tripoter ses comptes.

Dans cette crise, on peut estimer à 600 milliards d'euros la perte  que nos banques, attirées par l'argent facile à gagner, ont accumulée. Que croyez-vous qu'il arriva? M Sarkozy a sauvé la France, ou plutôt la finance française, en prenant à notre charge les 600 milliards d'euros. C'est-à-dire que notre dette a augmenté de 600 milliards d'euros. Tout cela est public et vérifiable.

En Grèce, il y a eu un plan de rigueur dont on n'a pas idée, mais on s'est consolé en se disant que c'était normal qu’ils  paient leurs erreurs. Et c'est un Mélanchon grec qui s'est chargé du sale boulot, les autres s'étant défaussés.

Aux USA, les anciens de Golman Sachs, notamment le Directeur du Trésor de Bush N° 43, a laissé tomber Lehmann Brothers, en victime expiatoire, et avec l'idée que cela ferait un concurrent de moins. Et pour boucher le trou, ils ont imprimé des dollars, ce qui, comme monnaie universelle, ne leur a coûté que le prix du papier, et creusé un déficit que les chinois ont acheté.

En France donc, on nous a dit que le problème était réglé. On n'a pas même fait tomber une banque pour l'exemple (j'aurais bien vu la BNP, ou à défaut la Société Générale), non on a juste fait comme s'il ne s'était rien passé.

Donc, depuis 2008, nos gouvernants ont une patate chaude, parce que ces 600 milliards d'euros partis en fumée, il faudra bien un jour les rembourser. Soucieux de son hypothétique réélection, Sarkozy n'a pas bougé. Et Hollande, partisan de la chèvre ET du chou, a passé le temps à peu de choses : des augmentations d'impôts, qu'on croyait destinés à financer du social, des hausses de taxes sur l'essence pour compenser le piteux abandon des portiques demandés par les bonnets rouges bretons, et j'en passe, et des pires. De bouts de ficelle en petits sparadraps, le pauvre Hollande n'avait à proposer que sa bite et son couteau (pardon pour la grossièreté, mais c'est l'image la plus appropriée). La France partait à vau-l'eau.

Il faut bien reconnaître que deux candidats à la présidentielle avaient fait un bon diagnostic, mais proposé des solutions différentes : 

François Fillon voulait faire payer, beaucoup payer, par sa hausse de la TVA, ce qui avait l'avantage, pour lui, de faire payer surtout les pauvres, parce qu'on ne paie pas de TVA sur l'argent qu'on épargne, et pour cela il faut gagner assez pour vivre et pour mettre de côté. Cette "violence sociale" a été ensuite occultée par les petits ennuis causés par le travail de Pénélope, si bien qu'on a oublié ce à quoi on a échappé. Mais M Wauquiez ferait bien de s'en souvenir.

Emmanuel Macron a proposé une nouvelle approche politique, qui ne se voulait ni de droite ni de gauche, mais efficace. Une trajectoire budgétaire rigoureuse, avec la libération de la croissance économique et le changement de l'image de la France dans le monde, dont la suppression de l'ISF et la modification (à la marge) du Code du Travail étaient les outils. Il a été élu sur cette promesse, contre les différents populistes qui, eux, proposaient de nier la dette en sortant de l'euro et de l'Europe.

Mais voilà : le général victorieux a vigoureusement éperonné son cheval, lequel s'est révélé être une haridelle épuisée, qui à la suite d'une erreur qu'un politicard n'aurait pas faite, s'est cabrée : on n'annonce pas une taxe sur l'essence quand les prix sont au plus haut.

Et faute d'avoir su, ou pu, éteindre les premières braises avec un simple seau d'eau, le voilà confronté à une crise généralisée où l'on exige tout et son contraire, le beurre, l'argent du beurre et la crémière, la suppression des taxes et des impôts, l'augmentation des dépenses, le référendum révocatoire, et bien d'autres choses encore ( 2 passages du facteur par jour, "comme avant", des bus partout, pas de glyphosate dans les légumes -sauf pour les agriculteurs, un médecin et trois infirmières, un bureau de poste et une banque à côté de chez soi, etc.)

Le gouvernement a raison dans son analyse : c'est le bilan de 20 ans d'inaction, plus exactement depuis l'élection de Chirac sur le thème de "fracture sociale", et le résultat de 10 ans d'esquive sur les  600 milliards de dette. Il a fait quelques boulettes, dont celle de faire confiance à la maison Poulaga pour rétablir l'ordre : elle n'aura réussi qu'à se faire détester, une fois de plus : la plupart des CRS sont pro-RN, et ça s'est vu.

Mais maintenant c'est à lui de se débrouiller. Le travail de sape de Mélanchon, de Wauquiez et de Le Pen a payé : à force de l'injurier pour des bricoles, (l'affaire Benalla par exemple, qui aurait dû se conclure par la dissolution de la PPP), ils ont réussi, sous le titre de "président des riches", à lui faire endosser un costard qui n'est pas le sien. Quand on voit, sur un beau bâtiment du Bd Haussmann, un tag vengeur "Crève Macron", ou sur une pancarte tenue par une dame respectable en gilet jaune : "Macron, baise ta vieille, pas les vieux", on se dit que mai 68 a été un joyeux pique-nique printanier en comparaison. Le peuple s'est révélé être en ce cas une populace.

Les barrages sur les ronds-points sont exaspérants, et on peut comprendre ceux qui pris par une urgence sont tentés de foncer dans le tas. Faute de formes de protestation adaptées, il fallait s'y attendre. Et puis sont arrivés les charognards : les identitaires et les black-blocs, décidés à en découdre, soutenus et encouragés par le RN et la FI, copains comme cochons pour vandaliser l'Arc de Triomphe et chanter la Marseillaise autour de la "dalle sacrée", bien avinés selon les témoignages. 

Dans ces circonstances, tout peut se passer, tout peut arriver. Emmanuel Macron n'a pas eu assez de temps pour que sa politique porte ses fruits, et c'est triste. 

Ce qui est certain, c'est que les pauvres sont vraiment pauvres, et  vraisemblablement ils le resteront (cela ne me réjouit pas et ne me contente pas). Que ceux qui auront réussi à torpiller la seule politique intelligente qu'on ait eue depuis 30 ans, sont en bonne position pour en tirer les marrons et nous précipiter, soit dans un fascisme "mou" , soit dans une révolution à la vénézuélienne, dans les deux cas dans la catastrophe. Leurs mandants sont prêts à tout gober, c'est le moment qu'ils attendaient. Les tricoteuses sur leurs passages cloutés auront un moment de bonheur à l'idée du rétablissement de l'ISF, et les irresponsables n'auront qu'à constater que le fric quitte la France, et que la situation commence à ressembler à celle de la Grèce.

J'ai été bien long, cher François, mais la situation est complexe, la raison a déserté l'espace public, les faits ne sont plus que des opinions, un post sur Facebook annule tout rationalité. Gardez espoir, mais partagez cette lettre sur votre blog, je vous en remercie.

Cordialement (sic)

Gilles et John

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